
Les mémoires d’un petit gangster de New York du XXème siècle par Sergio Leone. Complexe, virevoltant, léger, jouissif, violent, le dernier film de la trilogie Il était une fois… clôt le cinéma de Sergio Leone de manière majestueuse. Cette autobiographie d’un raté du crime traite de l’amitié, de la loyauté, de l’amour et de l’histoire de l’Amérique. L’un des plus grands films de l’histoire.
« Noodles » (Robert De Niro) est un gangster juif œuvrant à New York pendant le XXème siècle. Il était une fois en Amérique est tout simplement la reconstitution des mémoires écrites par Harry Grey lors d’un séjour à la prison de Sing Sing. Mais Sergio Leone excelle en les romançant à sa manière. Ne suivant pas une trame chronologique, le film jongle entre les différentes époques afin de brosser un portrait complet de son héros et surtout de l’Amérique du XXème siècle. De son enfance jusqu’à sa vieillesse, Noodles traverse les différentes époques qui ont jalonné l’histoire de l’Amérique. On y voit ses premiers amours, ses amitiés, ses vols, ses trahisons, sa gloire, sa descente aux enfers, tout y passe. Dans un décor magnifiquement reconstitué. Il était une fois en Amérique parvient à être touchant, violent et cruel, le tout au sein d’une même scène. Unique et historique.
Le destin d’un gangster déchu
Qui mieux que Robert De Niro pour interpréter ce gangster froid de prime abord, mais bourré d’humanité et de sensibilité au fond. D’une époque à l’autre, il parvient à changer de comportement, de regard et donc de velléités. Durant trois générations, Leone dépeint les aventures de ce gangster raté qui n’arrive pas à la cheville d’Al Capone. Noodles est un petit voyou juif du ghetto qui a tenté de se faire un nom en prenant une mitraillette, en essayant de renverser l’ordre établi à travers des petites combines et des petits braquages. Son histoire, sans gloire, est marquée par des sentiments d’humanités profond qui rythment le récit. Chaque partie de sa vie est motivée par ses sentiments qui rendent ce personnage très attachant notamment lorsqu’il s’agit de son groupe d’amis qui l’accompagne avec loyauté et fidélité. Cette destinée funeste qui n’a pas eu d’écho dans l’histoire, est un prétexte que Leone utilise afin de dérouler un pan entier de l’histoire de l’Amérique.
Miroir de l’Amérique
La partie la plus touchante et la mieux réussie du film reste bien sûr l’enfance du héros dans le Lower East Side de New York. Leone y reconstitue un univers magnifique, habité par la pauvreté, la violence et les règlements de comptes. Dans cette jungle, Noodles et ses amis fidèles tentent de sortir de la pauvreté en menant leur petit business. Naissance d’une amitié loyale et touchante, cette partie du film fait l’apologie de l’amitié, de l’inconscience et du bonheur enfantin. Intrépide et audacieuse, cette bande de gamins rêve de prendre son envol et de s’extirper de cette misère ambiante. Ce point de départ permet à Leone de ficeler son récit en faisant jouer son imagination puisque l’enfance de Noodles est la seule partie reprise par Leone du livre d’Harry Frey.
Sergio Leone parvient ainsi à restituer dans un film de 4h le New York des années 30 et celui de 1968, la Prohibition, l’amour sous sa forme la plus cruelle et la plus douce, et tout cela en rendant hommage à Charlie Chaplin. Il était une fois en Amérique n’est pas un film de gangster spectaculaire. C’est plus une réflexion sur le temps et sur les époques mais aussi sur les sentiments. On passe de l’insouciance de la jeunesse, à l’ambition d’un jeune adulte jusqu’à la mélancolie de la vieillesse.
Poésie et souffle lyrique
Le film est une véritable quête de vérité de la part du héros, une quête qui n’est pas dénuée d’un souffle épique qui accompagne chaque aventure de Noodles. Cette fable est sublimée par la musique d’Ennio Morricone qui traduit de manière très juste les angoisses et les moments de joie que vivent les protagonistes. Noodles reste le même du début à la fin du récit.
En proie à ses démons et ses envies, il n’a jamais changé malgré un exil de 35 ans passé à ressasser son passé et ses erreurs. Le film décrit en réalité le voyage spirituelle de Noodles, de son enfance, à sa gloire, jusqu’à son exil et sa vieillesse. L’amitié qui le lie à Max (James Woods) est aussi un point clé du film. Les deux amis sont opposés mais veulent tous deux conquérir le monde. L’un est rationnel tandis que l’autre sombre peu à peu dans la folie. L’un est avide de pouvoir et prêt à tout pour arriver à ses fins, l’autre est lucide et bien plus pragmatique. Les deux se complètent, l’un explique l’autre. Leurs itinéraires éclairent la complexité de leur personnalité. Ces deux figures masculines sont un mélange de bien et de mal lié par une amitié indéfectible.
Plus qu’un film.